• Petite Rivière,MLN

    Petite Rivière,MLN

     

     

     

    Petite rivière 

     

    Entendu parler aujourd’hui d’une petite rivière sensible qui gèle au moindre froid. Elle est étroite, elle serpente. Je l’ai vue un jour d’été, un jour chaud. Elle dormait à l’ombre de gros arbres. Aucune embarcation ne la troublait, aucun souffle ne l’agitait. Entre des berges hautes qui la protègent du vent, elle somnole inlassablement. Elle est si peu profonde que jamais une tempête ne la secoue.   

    Or, il paraît que déjà, chaque matin, elle est glacée et polie comme une belle vitre, la petite rivière. Le midi, s’il fait trop soleil, elle dégèle, mais le soir elle « reprend » et, lorsque le froid persiste, le lendemain elle reste miroir. Alors, elle est jolie à croquer. Sur ses rives, les arbustes percent une mince couche de neige blanche et forment des dessins curieux. Des touffes serrées de brindilles ont l’air de forêts naines et au-dessus de ce petit peuple de branchettes, les grands arbres dégarnis se dressent ou se courbent sur le fond clair ou gris du ciel changeant. Et ce paysage ne semble là que pour encadrer la rivière d’argent.

    Autour d’elle, le silence parfait habite à certaines heures la campagne.  

    Je voudrais l’aller voir, cette fine rivière sensible, un jour que le soleil ne ferait pas éclater les blancheurs, que tout serait vaguement embrumé. Devant ce paysage sommeillant, de même que dans une chapelle déserte, je regarderais en moi. Je serais si calme que sur ma méditation luirait la Lumière surnaturelle. En face de la petite rivière gelée, en face du paysage blanchâtre, à peine taché, j’y penserais longtemps à cette Lumière qui fit la terre changeante, les pays différents, et qui me donna le souffle à moi, petite chose de rien dans la multitude du monde, mais petite chose qui sent en elle l’immortalité d’une âme.

    Michelle Le Normand   

    Michelle Le Normand (pseudonyme. de Marie-Antoinette Tardif) naît à Québec en 1895. Elle collabore au Nationaliste, par des récits de souvenirs réunis en recueil sous le titre : Autour de la maison (1915), et au Devoir, où elle est rédactrice de la page féminine. Elle est l’auteure de chroniques de souvenirs, de contes, de nouvelles et de romans, dont Couleur du temps (1919), Le nom dans le bronze (1933) et La plus belle chose du monde (1937). Elle meurt en 1964.

     

    Bibliothèque Nationale du Québec. 

    Image: Rivière du Nord, St-Colomban.

    MP3: Good moments

    « La première neige, pad & Marine DUSSARATO Neige ! »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

  • Commentaires

    1
    Dimanche 2 Décembre 2012 à 08:24

    Le chant de cette belle petite rivière m'a bercé...

    Chacun de nous connaît une petite rivière, et ce texte nous la remet en mémoire, la  mienne était bordée de violettes et de "coucous", je la vois encore avec ses berges moussues...
    Merci à Michele Le Normand et à toi Paul-André

    Marine

    2
    Bernadette R
    Dimanche 2 Décembre 2012 à 11:41

     Toutes les rivières vont à la mer........


    Merci  et bisous pour cette belle poésie Pal-André

    3
    Lundi 3 Décembre 2012 à 00:56

    Tu as bien raison Marine, nous en avons tous une petite rivière dans la mémoire.

    La mienne faisait trois côtés du boulevard où j'habitais dans ma jeunesse. Elle était bordée de feuillus, de chênes et même de noisetiers. Ses rives furent le terrain de jeu préféré de la marmaille du quartier et le sont probablement encore.

    4
    Lundi 3 Décembre 2012 à 00:58

    Celle-là Bernadette, celle de mon enfance, a nom: Yamaska; elle va au Fleuve St-Laurent près de Sorel, puis au Golfe et à la mer.

    Bisous.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :