• J'arrive ou je suis étranger

    J'arrive ou je suis étranger

    J'arrive où je suis étranger

    (Louis Aragon)

     

    Rien n'est précaire comme vivre
    Rien comme être n'est passager
    C'est un peu fondre comme le givre
    Et pour le vent être léger
    J'arrive où je suis étranger
    Un jour tu passes la frontière
    D'où viens-tu mais où vas-tu donc
    Demain qu'importe et qu'importe hier
    Le coeur change avec le chardon
    Tout est sans rime ni pardon
    Passe ton doigt là sur ta tempe
    Touche l'enfance de tes yeux
    Mieux vaut laisser basses les lampes
    La nuit plus longtemps nous va mieux
    C'est le grand jour qui se fait vieux
    Les arbres sont beaux en automne
    Mais l'enfant qu'est-il devenu
    Je me regarde et je m'étonne
    De ce voyageur inconnu
    De son visage et ses pieds nus
    Peu a peu tu te fais silence
    Mais pas assez vite pourtant
    Pour ne sentir ta dissemblance
    Et sur le toi-même d'antan
    Tomber la poussière du temps
    C'est long vieillir au bout du compte
    Le sable en fuit entre nos doigts
    C'est comme une eau froide qui monte
    C'est comme une honte qui croît
    Un cuir à crier qu'on corroie
    C'est long d'être un homme une chose
    C'est long de renoncer à tout
    Et sens-tu les métamorphoses
    Qui se font au-dedans de nous
    Lentement plier nos genoux
    O mer amère ô mer profonde
    Quelle est l'heure de tes marées
    Combien faut-il d'années-secondes
    A l'homme pour l'homme abjurer
    Pourquoi pourquoi ces simagrées
    Rien n'est précaire comme vivre
    Rien comme être n'est passager
    C'est un peu fondre comme le givre
    Et pour le vent être léger
    J'arrive où je suis étranger

     

    Louis Aragon: http://lapoesiequejaime.net/aragon.htm

      

    Musique: Concerto en E, Zbigniew Presner

    « Vents de novembre »
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  • Commentaires

    1
    Dimanche 18 Septembre 2011 à 09:03
    Marine D

    Un très grand auteur Paul-André, merci pour la citation...

    2
    Bernadette Namur
    Dimanche 18 Septembre 2011 à 10:17

    Comme des grains de sable qui se coulent entre les doigts...


    Comme les minutes qui s'égrennent dans le temps...


    Il y a des moments de vie uniques, de ceux qui perdurent  qui se fondent dans la vie....


    Rien n'est éternel ...Et pourtant?


    Merci Paul-André pour le partage d'un moment de poésie....

    3
    Lundi 19 Septembre 2011 à 04:54

    Merci Bernadette !

    N,est-ce pas que ses vers rejoignent l'automne qui débute, tant en saison que pour nous qui doucement vieillissons ?

    4
    Lundi 19 Septembre 2011 à 05:00

    Oui Marine, un très grand auteur qui m'a subjugué par ses sages mots sur le thème de vieillir.

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